1.1.4 la recherche de tangibilité de l’espace filmique

Convergence et accommodation en cinéma relief

En étendant la netteté optique du champs central à l’ensemble de l’image, le dispositif cinématographique offre un degré de liberté du regard sur l’écran. Le « pinceau » du regard humain (environ 5° d’angle) ne couvre pas toute la surface de l’écran. Aussi est-il contraint à la saccade d’exploration et c’est à travers cette liberté qu’il accepte de se substituer à l’observateur initial (le spectateur possède une liberté de regard, le point de vue imposé par le réalisateur n’est pas perçu comme totalement imposé).
Dans le cas d’une projection plane, contrairement à la vision en situation réelle, le regard, où qu’il se porte sur l’écran, perçoit une image définie (sans correction de convergence ou d’accommodation), ajoutant même une voyance nouvelle, la vision coplanaire (vision simultanée de plans situés à des distances différentes-chose impossible en vision réelle).
Lors d’une projection relief, cette voyance nouvelle (inhérente à l’image plane) est remise en question:
Comme c’est le cas en cinéma 2D, l’accommodation ne change pas au cours d’une projection en relief (la distance écran-spectateur est toujours la même).
Par contre, la convergence se modifie en fonction de l’emplacement des sujets dans la pyramide virtuelle; il y a donc correction permanente en fonction des points d’intérêts.
Il y a en quelque sorte une contradiction entre les deux informations (sauf si le sujet se situe à la hauteur du plan stéréo) et le cerveau fait le choix le plus probable, celui de donner la priorité à la convergence, recréant ainsi un relief virtuel à partir d’une projection plane. La fatigue oculaire que ressentent certains spectateurs est souvent due au fait que la tendance naturelle du cerveau est de converger sur l’élément réel que représente l’écran plutôt que d’accepter les emplacements virtuels des sujets en jaillissement ou en profondeur.
L’image en relief se situe donc entre la vue réelle (corrections permanentes -environ 1000 fois par seconde- de la convergence et de l’accommodation) et l’image traditionnelle plane (absence de correction). Ce n’est donc pas, comme l’affirment certains, un dispositif qui offre des images semblables à la vue en conditions réelles.

Le schéma ci-dessous reproduit de manière schématique les plans de convergence et d’accommodation dans le cas ou le spectateur fixe son regard sur la cheminée de la maison. En vision réelle, on accommode et on converge sur le sujet (fig1), en cinéma traditionnel, on accommode et on converge sur l’écran quelque soit l’éloignement du sujet (fig2) tandis qu’en cinéma relief, on accommode toujours sur l’écran tandis qu’on converge en fonction de la distance virtuelle du sujet afin de fusionner les points homologues (fig3). (voir le film sur les principes de base du cinéma en relief).

Un espace disjoint?

« L’image stéréoscopique perturbe le fonctionnement traditionnel des indices optiques. On a l’impression que certaines surfaces sont planes quand bien même elles contiendraient des indications d’ombre et de lumière(…) ; à l’inverse, d’autres plans que l’on percevrait normalement en deux dimensions, comme une palissade située à l’avant, semblent investir l’espace avec violence.(…) Le stéréoscope révèle un champ fondamentalement désuni, un agrégat d’éléments disjoints. L’oeil ne traverse jamais l’image en appréhendant pleinement les trois dimensions de tout le champ, mais seulement en progressant d’une zone isolée à une autre. Quand on regarde de face une photographie ou un tableau, l’oeil ne change pas d’angle de convergence et il confère ainsi à la surface de l’image une unité optique. En revanche, le regard qui lit ou qui balaie une image stéréoscopique accumule des différences dans le degré de convergence optique, ce qui produit l’effet perceptif d’un patchwork de reliefs très variés dans une seule image. (…) la fascination de ces images résulte en partie de ce désordre immanent, des décrochages qui troublent leur cohérence. »

Jonathan Crary, 1994

Ces observations, basées sur l’expérience de l’auteur à la lecture d’images photographiques fixes à travers un stéréoscope soulèvent de nombreuses questions quant à la nature de la boîte narrative offerte au réalisateur relief. En effet, la théorie et l’expérience confirment qu’un effet de feuilletage des plans (donc d’un aplatissement de chaque objet distinct) est perceptible lors de l’utilisation de longues focales ou de grands entraxes. Ce phénomène n’est toutefois pas évident lors de l’utilisation de focales courtes ou normales. Comme l’auteur ne précise pas quels types d’images il a vues, il est difficile de tirer des conclusions. Par contre le phénomène d’unité optique lié à l’image plane est tout à fait défendable et cela nous paraît être un point essentiel comme expliqué plus haut.

la recherche de la simulation parfaite, une impasse?

« un monde à trois dimension sans rien de tactile est un monde de fantômes »

Chris Marker

(en cours de rédaction)